Marie-Luce Conrard, l'épouse de Stanislas Guérini, a commencé sa carrière au sein de Boston Consulting Group, un cabinet international de conseil en stratégie, avant de se tourner vers l’Atelier des chefs où elle dirigera le pôle Web et conseil. Elle a rejoint Google en 2011 et est aujourd'hui directrice de la stratégie et des opérations de Google Cloud France. Mais en raison de sa place au sein de Google, les attributions de son mari viennent d'être réduites en tant que ministre. Conformément à un décret de 1959, il est invité à rester à l'écart des sujets liés à la gestion du cloud de l'État et des questions en rapport avec Google et sa maison mère Alphabet.
« Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques ne connaît pas des actes de toute nature relatifs à la la société Alphabet inc. et ses filiales ainsi que des actes relatifs à l'hébergement cloud des données de l'État », indique la note publiée au Journal officiel le 8 juin. Selon la note, "les attributions correspondantes seront exercées par la Première ministre Élisabeth Borne". En effet, le décret explique que "le ministre qui estime se trouver en situation de conflit d'intérêts en informe par écrit le Premier ministre en précisant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses attributions".
Stanislas Guerini, nommé ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, le 20 mai 2022 à Paris
Par la suite, un décret détermine les attributions que le Premier ministre va exercer à la place du ministre intéressé. Cette décision reste valide tant tant que Stanislas Guérini reste à ce poste. Elle sera révoquée le jour de son départ, à condition que la personne qui le remplacera ne se trouvera pas dans une situation analogue. Selon le gouvernement français, cette directive élimine tout conflit d’intérêts futur. Cependant, elle handicape hautement Stanislas Guérini dans ses fonctions : la portée de son portefeuille est désormais réduite, et ce dans un domaine clé. En effet, ces fonctions impliquent la transition du service public vers le numérique.
Et alors que le cloud est un point clé pour les administrations, Stanislas Guérini pourrait avoir des difficultés pour coordonner ses actions. Par ailleurs, il faut noter que malgré la réduction des attributions du ministre, Stanislas Guerini devrait continuer à piloter la Direction interministérielle du numérique (Dinum). « Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a autorité sur la direction interministérielle du numérique », indique un décret d'attribution. La Dinum est chargée de coordonner les actions des administrations en matière de systèmes d'information. Elle joue le rôle de la direction des systèmes d'information de l’État français.
Cette décision intervient alors que le gouvernement français est en quête d'une souveraineté numérique, en particulier dans le domaine du cloud. Cependant, certains problèmes persistent et des acteurs nationaux du cloud se plaignent des initiatives du gouvernement en ce sens. Par exemple, l'année dernière, la France a fait appel à Google et Microsoft pour la protection des données sensibles et a présenté une stratégie nationale pour le cloud incluant ces deux acteurs étrangers. Cela dit, plus tard dans l'année, la Dinum a averti que Microsoft 365 n'est pas conforme à la stratégie « Cloud au centre » de l'État français.
Le même problème semble se poser au niveau européen, où les acteurs européens du secteur du cloud ne sont pas convaincus de la stratégie des 27. Cette année, les membres du groupe EUCLIDIA (European Cloud Industrial Alliance - l'Alliance industrielle européenne du cloud) ont allégué que l'Europe continuait d'ignorer les acteurs locaux du cloud computing malgré les revendications de souveraineté numérique. Les membres de l'alliance s'indignent du fait que "malgré leurs efforts pour proposer des services de cloud computing compétitifs et plus sûrs, les autorités européennes continuent de dérouler le tapis rouge aux acteurs non européens".
Selon le groupe EUCLIDIA, "ces acteurs internationaux ont abusé à plusieurs reprises de leur position dominante". En octobre 2021, Yann Lechelle, PDG de Scaleway, s'est plaint de "messages contradictoires" de la part des dirigeants européens. Scaleway, membre d'EUCLIDIA, a quitté le projet de souveraineté des données de l'UE, Gaia-X, le mois suivant. Lechelle s'est inquiété du fait que le projet ne faisait que "renforcer le statu quo" et a noté que certaines nations préféraient continuer à travailler avec les entreprises technologiques américaines. « L'Europe numérique sera impuissante, dépendante et témoin de la désindustrialisation », prévient EUCLIDIA.
Sources : Stanislas Guérini, Décret n° 2022-861 du 7 juin 2022, AFP
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