Le projet Nimbus est un accord tripartite entre Google, Amazon et l'Israël signé en 2021 visant à fournir à ce dernier des outils d'intelligence artificielle (IA) et d'autres services informatiques, notamment de cloud computing. Google et Amazon devraient mettre en place des sites de cloud locaux en Israël avec un investissement initial de 4 milliards de shekels (1,2 milliard de dollars). Ces sites conserveront les informations à l'intérieur des frontières d'Israël selon des directives de sécurité strictes. Le gouvernement israélien a expliqué l'année dernière que le projet Nimbus est un projet phare pluriannuel qui se déroulera en quatre phases.
Ces phases comprennent l'acquisition et la construction de l'infrastructure cloud, la formulation de la politique gouvernementale de migration vers le cloud, l'intégration et la migration, ainsi que le contrôle et l'optimisation de l'activité du cloud. Ces services cloud seront mis à la disposition du gouvernement, du système de défense et d'autres groupes de l'économie. Seulement, de nombreuses voix se sont liguées contre ce projet, et ce, au sein même de Google. Ariel Koren, responsable marketing pour la branche des produits éducatifs de Google, qui travaille pour l'entreprise depuis sept ans, est l'une de ces voix discordantes.
Dans un mémo annonçant à ses collègues son intention de quitter Google à la fin de cette semaine, Koren, qui s'identifie comme juive, affirme avoir subi des représailles et décrit un environnement où les voix propalestiniennes sont réduites au silence. Certains de ses collègues ont également affirmé que Google avait un parti pris anti-palestinien. Koren, 28 ans, a aidé à faire circuler des pétitions et à faire pression sur des dirigeants, et elle a parlé à des organes de presse, tout cela dans le but d'amener Google à reconsidérer l'accord. L'une de ces pétitions a été signée par plus de 800 travailleurs de Google et 37 500 personnes du public.
Selon Koren et d'autres employés de l'entreprise, le projet Nimbus constitue une violation des principes de Google en matière d'IA. Koren affirme que les outils fournis par Nimbus "ont le potentiel d'étendre le modèle israélien de surveillance, de profilage racial et d'autres formes de violations des droits de l'homme assistées par la technologie". « Au lieu d'écouter les employés qui veulent que Google respecte ses principes éthiques, Google poursuit agressivement des contrats militaires et prive ses employés de leur voix par le biais d'un modèle de silence et de représailles envers moi et beaucoup d'autres », écrit Koren.
Alors qu'elle poursuivait son militantisme, Koren affirme que Google lui a adressé en novembre 2021 un ultimatum surprenant : « acceptez de déménager à São Paulo, au Brésil, dans les 17 jours ouvrables ou perdez votre emploi ». Koren commercialisait les produits éducatifs de Google en Amérique latine et était basée à Mexico avant de déménager à San Francisco pendant la pandémie. Mais, selon l'employée, il n'y avait pas de justification commerciale claire pour le déménagement obligatoire ou son urgence, et un superviseur au Brésil lui a dit que les employés de São Paulo travaillaient à domicile à cause de la pandémie.
Koren estime que l'ultimatum était une façon "créative" pour Google de la forcer à partir sans avoir à la licencier. « Il fut un temps où Google licenciait les gens par mesure de représailles et je pense que le fait qu'il y ait autant d'attention signifie que Google a essayé de devenir un peu plus créatif et que les représailles prennent des formes différentes de celles du licenciement », a déclaré Koren. Google a réfuté les affirmations de Koren et a déclaré qu'il interdit les représailles sur le lieu de travail. L'entreprise a également ajouté qu'une enquête a révélé qu'il n'y a eu aucune forme de représailles à l'encontre de Koren.
« Nous avons enquêté de manière approfondie sur la réclamation de cette employée, comme nous le faisons lorsque toute préoccupation est soulevée, et comme nous l'avons déclaré depuis des mois, notre enquête a révélé qu'il n'y avait pas de représailles ici », a déclaré un porte-parole de Google. « Une agence gouvernementale a également rejeté cette affaire lorsque l'employée a déposé une plainte alléguant qu'elle avait subi des représailles », a ajouté le porte-parole, faisant référence à une enquête du National Labor Relations Board des États-Unis. Mais d'autres employés ont à nouveau dénoncé le projet mardi.
Quinze autres employés de Google ont publié sur YouTube des témoignages audio demandant à l'entreprise de ne pas travailler avec l'Israël et critiquant le traitement réservé par Google aux Palestiniens et sa censure des employés qui les soutiennent. Tous les travailleurs, sauf deux, ont parlé sous le couvert de l'anonymat. Ils ont publié leurs remarques pour coïncider avec le départ de Koren de l'entreprise. Cependant, le porte-parole de Google a défendu le projet Nimbus. L'entreprise a déclaré qu'elle était fière que les capacités de son cloud soient reconnues et a réfuté les allégations selon lesquelles le projet sera utilisé pour la surveillance.
« Nous sommes fiers que Google Cloud ait été sélectionné par le gouvernement israélien pour fournir des services de cloud public afin de contribuer à la transformation numérique du pays. Le projet comprend la mise à disposition de Google Cloud Platform aux agences gouvernementales pour les charges de travail quotidiennes telles que les finances, les soins de santé, les transports et l'éducation. Mais il ne s'adresse pas aux charges de travail hautement sensibles ou classifiées », a-t-il déclaré. L'Alphabet Workers Union, un syndicat représentant les travailleurs de Google et d’ autres entreprises d'Alphabet, a défendu Koren.
« Tous les travailleurs d'Alphabet ont le droit d'exprimer leurs préoccupations et leurs objections à l'égard de projets comme Nimbus et de s'organiser contre eux en interne, sans crainte de représailles. Des milliers de travailleurs de Google se sont déjà organisés contre des contrats militaires, comme le projet Maven, et nous méritons de faire de même maintenant et à l'avenir. Ariel n'aurait jamais dû subir ces représailles et ce harcèlement. Elle n'aurait jamais dû être contrainte à une position où démissionner était sa seule option », a déclaré Parul Koul, président exécutif de l'Alphabet Workers Union.
Koren est la dernière en date d'une série d'employés de Google qui ont accusé l'entreprise de représailles pour leur activisme. Deux d'entre eux, Claire Stapleton et Meredith Whittaker, ont démissionné en 2019 et ont déclaré avoir subi des représailles après avoir protesté contre les politiques de l'entreprise en matière d'inconduite sexuelle. En novembre 2019, Google a licencié quatre employés qui avaient participé à divers efforts d'organisation au sein de l'entreprise. Un cinquième travailleur a été licencié après avoir créé un message contextuel sur le réseau d'entreprise de Google informant les travailleurs de leur droit protégé de s'organiser.
Le National Labor Relations Board a déclaré que Google avait illégalement licencié deux de ces travailleurs, et qu'il avait illégalement surveillé et exercé des représailles contre les autres. La société a également mis à la porte deux chercheurs en intelligence artificielle, Timnit Gebru et Margaret Mitchell. Tous deux avaient fait partie de l'équipe "Ethical AI" de la société et avaient critiqué la technologie de Google dans un document de recherche. Gebru avait déclaré séparément que les efforts de la société en matière de diversité étaient insuffisants. Bien sûr, Google a toujours nié toute forme de pression ou de représailles envers ces travailleurs.
Google a récemment fait parler d'elle pour un autre type de licenciement. En juillet, il a renvoyé un ingénieur, Blake Lemoine, qui avait affirmé que l'IA de la société était sensible et avait divulgué des documents d'entreprise. Le choix de Google de punir les employés qui critiquent publiquement l'entreprise est un changement notable pour un employeur qui nourrissait autrefois une culture d'entreprise ouverte. Google a longtemps accueilli favorablement un large dialogue sur ses panneaux de messages internes en ligne et a encouragé ses employés à débattre des décisions des dirigeants lors des réunions de l'entreprise et d'autres forums.
En outre, ce n'est pas la première fois que des employés de Google se disent mal à l'aise avec les contrats militaires et gouvernementaux de l'entreprise, arguant que cela va à l'encontre de sa devise originale "Don't be evil". La devise actuelle d'Alphabet, la société mère de Google, est : "Fais ce qui est juste". Et parfois, Google semble être à l'écoute de ces préoccupations. Par le passé, Google a abandonné le projet Dragonfly, son moteur de recherche censuré pour la Chine, et a refusé de renouveler le projet Maven, son contrat d'IA militaire avec le ministère américain de la Défense.
Sources : Ariel Koren, Plaintes d'autres employés de Google
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Selon vous, les employés ont-ils le droit de critiquer les choix de leurs employeurs ?
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