La guerre commerciale entre la Chine et les États dure depuis de nombreuses années et s'est notamment intensifiée sous la présidence de l'ancien président américain Donald Trump. En 2019, Trump a signé un décret restreignant considérablement les échanges entre les entreprises américaines et les entreprises nationales, évoquant des raisons de sécurité nationale. Cela a impacté des entreprises chinoises telles que Huawei, ce dernier ayant perdu une part considérable sur le marché de smartphones. Ce conflit s'est poursuivi sous Joe Biden et l'on vient d'apprendre que Washington travaille sur de nouvelles règles visant les entreprises chinoises.
La Maison Blanche veut entraver leurs efforts dans le domaine de l'IA. Selon des personnes au fait du dossier, Washington envisagerait de promulguer des règles qui obligeraient les fournisseurs américains de services cloud, tels que Microsoft Azure et Amazon Web Services (AWS), à obtenir une autorisation explicite avant de permettre aux clients de l'Empire du Milieu d'accéder aux services d'entraînement des modèles d'IA. Le ministère américain du Commerce s'apprêterait à dévoiler ces nouvelles règles dans les semaines à venir. Ces mesures sont similaires à celles que les États-Unis ont déjà imposées aux technologies utilisées dans le traitement de l'IA, dont les GPU.
La semaine dernière, il est apparu que l'administration Biden envisageait d'imposer de nouvelles restrictions à l'exportation vers la Chine de puces avancées utilisées pour la formation des systèmes d'IA. Il se peut que ces règles sur les services cloud soient la forme que prendront les nouvelles mesures, au lieu de bloquer la vente de GPU AMD et Nvidia moins puissants comme on s'y attendait, ou qu'elles s'ajoutent à ces mesures. La décision de Washington concernant les services d'informatique dématérialisée intervient après que la Chine a déclaré qu'elle imposerait des restrictions à l'exportation de métaux utilisés dans la fabrication de puces avancées.
Les restrictions proposées par les États-Unis concernant le cloud sont considérées comme un moyen de combler une lacune importante des précédentes mesures prises contre les entreprises chinoises. En effet, les experts américains de la sécurité nationale ont mis en garde contre le fait que les entreprises chinoises spécialisées dans l'IA pourraient avoir contourné les règles actuelles sur le contrôle des exportations grâce aux services d'informatique dématérialisée. Ces services permettent aux clients d'obtenir de grandes capacités de calcul sans acheter d'équipements avancés, y compris des puces figurant sur la liste de contrôle, tels que les puces Nvidia A100.
« Si une entreprise chinoise veut accéder à la puce Nvidia A100, elle pourrait le faire à partir de n'importe quel fournisseur de services cloud. C'est tout à fait légal », affirme Emily Weinstein, chargée de recherche au Georgetown Center for Security and Emerging Technology. La question de savoir si ces nouvelles mesures auront un effet significatif reste sans réponse. Selon les chiffres de Canalys, le marché chinois de l'informatique dématérialisée est dominé par des entreprises locales. Canalys rapporte qu'Alibaba Cloud est le principal fournisseur, représentant 36 % des dépenses totales des clients en services d'infrastructure dématérialisée en 2022.
Derrière, on trouve Huawei Cloud avec 19 %, Tencent Cloud avec 16 % et Baidu AI Cloud avec 9 %. Les autres fournisseurs représentent les 21 % restants. Si AWS et Microsoft Azure ont tous deux des régions de cloud en Chine, l'infrastructure de ces régions est exploitée par des entreprises partenaires chinoises, comme l'exige Pékin. En outre, il s'agit de jardins clos distincts de l'infrastructure mondiale des deux entreprises. Pour certains, ces nouvelles restrictions n'auront que peu d'effets. « Je dirais que cela n'aurait que peu d'impact, car la Chine dépense autant, voire plus, que les États-Unis dans l'IA », affirme Roy Illsley, analyste en chef chez Omdia.
« Même si l'infrastructure chinoise n'est pas aussi avancée et rapide que celle disponible sur les clouds américains, il est toujours possible de former des modèles », a-t-il ajouté. Illsley a toutefois admis que les restrictions pourraient être un moyen d'empêcher les modèles d'IA fondamentaux développés aux États-Unis d'être copiés ou clonés par les entreprises chinoises. Avant l'apparition de la rumeur concernant les nouvelles restrictions envisagées par Washington, la Chine a annoncé au début de la semaine des restrictions à l'exportation de gallium et de germanium, deux matériaux utilisés dans les semiconducteurs et d'autres produits électroniques.
Par ailleurs, la Chine a interdit les produits de mémoire du fabricant américain de puces Micron, estimant qu'ils présentaient un risque pour la sécurité nationale. Ainsi, l'interdiction de fournir des services cloud à la Chine sans une autorisation spéciale serait la dernière d'une série d'actions de "tit-for-tat" entre Washington et Pékin concernant les semiconducteurs et d'autres technologies de pointe. Préoccupée par les progrès de la Chine dans le domaine de l'IA et de leurs applications militaires, l'administration Biden redouble d'efforts dans le but de limiter les transferts de puces avancées et d'autres produits et services aux entreprises chinoises.
Ce conflit aux enjeux considérables sur l'accès à la chaîne d'approvisionnement de la technologie la plus avancée du monde s'intensifie à quelques jours de la visite en Chine de la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, un voyage dont l'administration Biden espère qu'il permettra d'apaiser les tensions. Les discussions de Yellen à Pékin devraient porter sur les conditions macroéconomiques dans chaque pays, ainsi que sur le changement climatique et la dette dans les pays en développement. Yellen espère arrêter une spirale descendante dans les relations, les responsables américains craignant que la Chine ne coupe l'accès à des produits clés.
La Chine pourrait notamment restreindre l'exportation de produits tels que les composants des batteries des véhicules électriques. Dans le même temps, les autorités chinoises soutiennent que les États-Unis cherchent à entraver le développement économique de la Chine. En outre, Weinstein a déclaré que, au lieu d'établir une liste noire de certains types de puces dans les services d'informatique dématérialisée, l'administration pourrait interdire aux fournisseurs américains de services de cloud computing d'offrir des services à des utilisateurs liés à des services militaires, de sécurité ou de renseignement en Chine et dans d'autres pays préoccupants.
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