Les employés de la technologie dénoncent un parti pris pro-israélien dangereux
Le projet Nimbus est un accord tripartite centre Google, Amazon et l'Israël signé en 2021. Il vise à fournir à l'État hébreu des outils d'IA et des services de cloud computing. Selon les termes de l'accord, Google et Amazon devront mettre en place des sites de cloud locaux en Israël avec un investissement initial de 4 milliards de shekels (1,2 milliard de dollars). Ces sites conserveront les informations à l'intérieur des frontières d'Israël selon des directives de sécurité strictes. Lors de la signature du contrat, le gouvernement israélien a expliqué que le projet Nimbus est un projet phare pluriannuel qui se déroulera en quatre phases.
Cependant, depuis le début, le projet est vivement contesté par un groupe d'employés de Google. Mardi, les employés de Google ont organisé des sit-in et des manifestations dans les bureaux de l'entreprise à New York et à Sunnyvale, en Californie, y compris un sit-in retransmis en direct devant le bureau du PDG de Google Cloud, Thomas Kurian. La protestation a été organisée par le groupe activiste "No Tech for Apartheid" et marque une escalade dans une série de manifestations récentes organisées par des travailleurs de la technologie qui s'opposent aux relations de leurs employeurs avec le gouvernement israélien.
"No Tech for Apartheid" est une coalition de travailleurs et d'organisateurs du secteur technologique avec MPower Change et "Jewish Voice for Peace", qui sont respectivement des organisations militantes musulmanes et juives axées sur la paix. L'organisation s'est réunie peu après la signature du projet Nimbus, dont les détails ont été rendus publics en 2021. Il a également publié une lettre ouverte cosignée par 18 autres organisations qui demandent à Google et Amazon d'annuler immédiatement leur travail sur le projet Nimbus et de cesser de faire des affaires avec Israël. La lettre a déjà recueilli plus de 95 000 signatures.
Les critiques des employés de la technologie envers le gouvernement israélien se sont intensifiés en raison l'assaut israélien en cours sur Gaza. Depuis qu'une attaque terroriste du Hamas a tué environ 1 100 Israéliens le 7 octobre 2023, les forces de défense israéliennes ont tué plus de 34 000 Palestiniens. Dans une lettre ouverte publiée en novembre, un groupe d'employé de Google a dénoncé un parti pris interne qui favorise Israël et condamne souvent le sort des Palestiniens. Les travailleurs dénoncent des préjugés pro-israéliens qui empêchent de critiquer les actions d'Israël, souvent sous peine de représailles.
Les employés qui ont manifesté mardi demandent la condamnation d'Israël et la suspension du projet Nimbus de 1,2 milliard de dollars. Parmi les participants au sit-in de New York figurait Eddie Hatfield, ingénieur logiciel de Google, qui a interrompu lors d'un événement en mars le discours du directeur général des activités de Google en Israël en déclarant : « je refuse de construire une technologie qui favorise le génocide ». Hatfield a ensuite été licencié. La même semaine, une messagerie interne de Google a été fermée après que des employés ont publié des commentaires sur les contrats militaires israéliens de l'entreprise.
À l'époque, un porte-parole avait qualifié ces messages de "contenu qui sème la discorde et qui perturbe notre lieu de travail". Le ministère israélien de la Défense aurait sollicité des services de conseil auprès de Google afin d'élargir son accès aux services Google Cloud. Selon un rapport du New York Times, Google Photos est l'une des plateformes utilisées par le gouvernement israélien pour surveiller la bande de Gaza et d'autres lieux en Palestine. Selon les rapports, quelques heures le début du sit-in, la sécurité de Google a commencé à accuser les employés d'intrusion et de perturbation du travail, incitant certains à partir.
D'autres, en revanche, ont juré de rester jusqu'à ce qu'ils soient forcés de quitter les lieux. Neuf employés auraient été arrêtés pour violation de propriété. À Sunnyvale, les manifestants sont restés assis dans le bureau du directeur de Google Cloud pendant plus de neuf heures jusqu'à leur arrestation, écrivant des revendications sur le tableau blanc de Kurian et portant des t-shirts sur lesquels on pouvait lire "Googler against genocide". À New York, les manifestants se sont assis dans un espace commun de trois étages. D'après les rapports, cinq travailleurs de Sunnyvale et quatre de New York auraient été arrêtés mardi.
Certains employés affirment avoir subi des représailles après avoir critiqué Israël
« Je suis opposé à ce que Google prenne des contrats militaires, quel que soit le gouvernement avec lequel ils sont conclus ou la nature exacte du contrat », a déclaré Cheyne Anderson, un ingénieur logiciel de Google Cloud basé à Washington. Anderson avait pris l'avion pour Sunnyvale afin de participer à la manifestation organisée dans le bureau de Kurian et faisait partie des travailleurs arrêtés mardi. La lettre ouverte publiée par l'association "No Tech for Apartheid" demande à Amazon et Google de cesser de faire des affaires avec le régime d'apartheid israélien et d'alimenter le génocide des Palestiniens à Gaza.
Google nie toutefois ces allégations et affirme que le projet Nimbus n'est pas destiné à des charges de travail hautement sensibles, classifiées ou militaires. « Google Cloud soutient de nombreux gouvernements dans les pays où nous opérons, y compris le gouvernement israélien, avec nos services de cloud computing généralement disponibles. Ce travail n'est pas destiné à des charges de travail hautement sensibles, classifiées ou militaires pertinentes pour les armes ou les services de renseignement », a déclaré un porte-parole de Google. Cependant, l'entreprise est accusée d'exercer une pression sur les critiques d'Israël.
Après le licenciement de Hatfield, Vidana Khalek, employée de Google chargée de la politique de confiance et de sécurité, a démissionné de son poste pour s'opposer au projet Nimbus. Puis, fin mars, plus de 300 employés d'Apple ont signé une lettre ouverte qui dénonce des représailles envers des employés ayant exprimé leur soutien aux Palestiniens, et exhorte la direction d'Apple à manifester publiquement son soutien aux Palestiniens. En août 2022, Ariel Koren, alors responsable marketing chez Google, a également déclaré avoir été mise à la porte après s'être opposée au contrat de 1,2 milliard de dollars avec Israël.
« Je pense que ce qui s'est passé hier est la preuve que les tentatives de Google visant à supprimer toutes les voix d'opposition à ce contrat non seulement ne fonctionnent pas, mais ont en fait l'effet inverse. Cela ne fait que créer plus d'agitation, plus de colère et plus d'engagement », a déclaré Koren à CNBC mercredi. Les neuf employés arrêtés à New York et à Sunnyvale ont déclaré que, pendant que la manifestation était en cours, leurs comptes de travail ont été bloqués et qu'ils ont été placés en congé administratif et priés d'attendre d'être contactés par le service des ressources humaines avant de retourner au travail.
Selon les rapports, les travailleurs new-yorkais ont été libérés du poste de police après environ quatre heures. Ils protestaient également contre leurs conditions de travail : ils demandent à l'entreprise de mettre fin au harcèlement, à l'intimidation, aux brimades, au silence et à la censure des Googlers palestiniens, arabes et musulmans, et de s'attaquer à la crise en matière de santé et de sécurité à laquelle les travailleurs, en particulier ceux de Google Cloud, sont confrontés en raison des impacts potentiels de leur travail. Google n'a pas répondu aux commentaires sur les allégations sur le climat sur le lieu de travail.
« Un petit nombre d'employés protestataires sont entrés et ont perturbé deux de nos sites. Le fait d'entraver physiquement le travail d'autres employés et de les empêcher d'accéder à nos installations constitue une violation manifeste de nos règles, et nous mènerons une enquête et prendrons les mesures qui s'imposent. Ces employés ont été mis en congé administratif et leur accès à nos systèmes a été coupé. Après avoir refusé plusieurs demandes de quitter les lieux, les forces de l'ordre ont été engagées pour les expulser afin d'assurer la sécurité des bureaux » a déclaré un porte-parole de Google à propos des manifestants.
Le projet Nimbus avec Israël n'est pas le seul à faire l'objet de protestation de la part des Googlers. Ils se mobilisent en effet pour s'opposer au travail militaire de leur entreprise. En 2018, des milliers de Googlers se sont mobilisés pour protester contre le projet Maven, un contrat lucratif proposé par le Pentagone qui inclurait des outils propulsés par l'IA pour analyser les séquences de drones et choisir des cibles. Google a réagi en déclarant que l'entreprise ne renouvellerait pas son contrat avec le projet Maven. Mais les rapports indiquent que l'entreprise a depuis fortement accru sa collaboration avec le Pentagone.
Zelda Montes, une ingénieure logicielle de YouTube qui a également participé au sit-in de New York, affirme que cette action fait suite à quelques incidents au cours desquels les personnes qui se sont exprimées dans les "canaux appropriés" ont été interrompues, comme cela a été le cas avec le projet Nimbus, pour ensuite voir leurs commentaires supprimés. Montes espère que le sit-in incitera les travailleurs de la technologie à "exiger que leur travail ne soit pas utilisé pour créer les conditions favorables à un génocide".
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Les employés de Google sont-ils en droit d'exiger la fin du contrat Nimbus avec Israël ?
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