Le CISPE représente les intérêts de 26 fournisseurs européens de services de cloud computing et compte Amazon parmi ses membres. Il a déposé une plainte contre Microsoft à la fin de l'année 2022, arguant que les contrats de Microsoft nuisaient au marché européen du cloud computing. La plainte a été déposée auprès de la direction générale de la concurrence (DGC) de l'UE et allègue que Microsoft s'appuie sur des politiques de licence anticoncurrentielles présumées pour verrouiller les clients dans son infrastructure cloud Azure. Le CISPE a réclamé des sanctions contre la firme de Redmond pour pratiques anticoncurrentielles.
Le CISPE a annoncé en février avoir entamé des discussions avec Microsoft pour explorer les solutions possibles pour une sortie de crise. La semaine dernière, Microsoft a accepté un accord de 20 millions d'euros pour mettre un terme à la plainte du CISPE. Le président de Microsoft, Brad Smith, a déclaré : « après avoir travaillé avec le CISPE et ses membres européens pendant plus d'un an, je suis heureux que nous ayons résolu non seulement leurs préoccupations passées, mais aussi travaillé ensemble pour définir une voie à suivre qui apporte encore plus de concurrence au marché de cloud computing en Europe et au-delà ».
Microsoft évite ainsi une enquête antitrust de l'UE et une amende lourde potentielle. En plus des 20 millions d'euros, Microsoft développera un produit (Azure Stack HCI pour les fournisseurs de services cloud en Europe (Hosters)) qui permettra aux membres du CISPE d'exécuter des logiciels Microsoft sur leurs plateformes à des prix équivalents à ceux de Microsoft. Le CISPE créera un organisme indépendant (European Cloud Observatory) pour suivre le développement de ce produit. Francisco Mingorance, secrétaire général du CISPE, a qualifié l'accord de victoire significative pour les fournisseurs européens de services cloud.
Toutefois, Google aurait préféré que les choses se passent autrement et que la plainte aille jusqu'au bout, aboutissant à une enquête de l'UE sur les pratiques anticoncurrentielles présumées de Microsoft. Un récent rapport de Bloomberg révèle que Google a essayé de faire capoter l'accord entre le CISPE et Microsoft. Google aurait proposé au CISPE un accord alternatif d'une valeur estimée à 500 millions de dollars pour plus de 5 ans de licences logicielles et 15 millions de dollars en espèces. La proposition de Google avait toutefois une contrepartie : l'offre exigeait que le CISPE maintienne sa plainte antitrust auprès de l'UE.
Le CISPE n'a pas mordu à l'hameçon et a ouvert la voie à un arrangement avec Microsoft, ce qui a apparemment frustré Google. L'accord conclu la semaine dernière exclut les principaux rivaux, notamment Amazon, qui est membre du CISPE, et Google, qui ne l'est pas. Mais contrairement sa promesse, faite en février, de rendre tout accord public, le CISPE n'a pas divulgué les termes de l'accord avec Microsoft. Il s'est contenté d'un billet de blogue décrivant grosso modo les principales caractéristiques qui, selon lui, résolvent ses préoccupations concernant les pratiques supposément anticoncurrentielles de Microsoft.
« Google va étudier d'autres options dans sa lutte contre les pratiques de Microsoft en matière de licences. Plusieurs organismes de réglementation ont ouvert des enquêtes sur les pratiques de Microsoft en matière de licences, et nous espérons qu'il y aura des remèdes pour protéger le marché du cloud du comportement anticoncurrentiel de Microsoft. Nous étudions nos options pour continuer à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles de Microsoft en matière de licences afin de promouvoir le choix, l'innovation et la croissance de l'économie numérique en Europe », a déclaré Amit Zavery, le responsable de Google Cloud.
Google a essayé de rattraper Microsoft et Amazon sur le marché du cloud et a récemment commencé à gagner du terrain. L'année dernière, l'activité de cloud computing de Google a atteint le seuil de rentabilité pour la première fois, et l'entreprise a réalisé un bénéfice surprenant de 900 millions de dollars au premier trimestre 2024, dépassant les prévisions des analystes de plus de 200 millions de dollars. Pour le géant de la recherche, le marché mondial du cloud est devenu un secteur de croissance clé, alors que les opportunités de croissance potentielle dans le domaine de la publicité pour les recherches sont au ralenti.
L'augmentation de la pression réglementaire sur Microsoft tout en prenant une partie de ses activités dans l'UE était censée être l'une des prochaines grandes actions de Google. Ainsi, alors que le CISPE revendique une victoire et que Microsoft a évité une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d'affaire mondiale, Amazon et Google ne semblent pas ravis par l'accord. Zavery a déclaré : « la stratégie de Microsoft, qui consiste à payer les plaignants plutôt qu'à traiter le fond de leur plainte, nuit aux entreprises et ne devrait tromper personne ». Google étudie d'autres options pour contrer Microsoft sur le marché du cloud.
Un porte-parole d'Amazon a suggéré que "le fait que Microsoft apporte ces changements de manière sélective pour certains membres du CISPE montre qu'il n'y a pas de barrières techniques qui empêchent Microsoft de rendre ses logiciels plus facilement accessibles aux fournisseurs de clouds rivaux". En outre, Ryan Triplette, directeur exécutif de la Coalition for Fair Software, a reconnu que l'accord n'empêcherait guère Microsoft d'utiliser ses pratiques déloyales en matière de licences logicielles pour limiter le choix, faire grimper les coûts et verrouiller les clients. L'accord entre le CISPE et Microsoft suscite des réactions mitigées.
La semaine dernière, le CISPE a déclaré que Microsoft avait neuf mois pour se conformer à l'accord, faute de quoi le groupe déposerait une nouvelle plainte. « Il s'agit d'une victoire importante pour les fournisseurs européens de services cloud. Le CISPE a accordé à Microsoft le bénéfice du doute et pense que cet accord permettra aux fournisseurs européens de services cloud et à leurs clients de bénéficier de conditions de concurrence équitables », a déclaré Mingorance.
« Un accord avec quelques petits fournisseurs européens qui exclut la grande majorité des clients et des fournisseurs ne résout en rien le comportement antitrust de Microsoft au niveau mondial », affirme Triplette. Google espère que les régulateurs de l'UE continueront à enquêter sur les pratiques antitrust présumées de Microsoft sur le marché du cloud et qu'ils proposeront finalement des mesures correctives qui égaliseront les règles du jeu pour tous les rivaux de Microsoft.
Source : communiqué du CISPE
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