Dans l’intention de briser la domination des entreprises américaines en matière de cloud computing, l’Europe lance à l’initiative franco-allemande, GAIA-X, un projet de développement d'une infrastructure de données efficace, compétitive, sécurisée et fiable. Le 30 novembre, Yann Léchelle, PDG de Scaleway a annoncé son retrait du projet GAIA-X. Peut-on affirmer que, dans cette annonce, le message que livre Yann Léchelle au monde, est que le cloud souverain n’est pas crédible ?
« Le 18 novembre dernier, nous avons annoncé que notre entreprise ne renouvellerait pas son adhésion au projet GAIA-X en 2022. Les objectifs de l’Association, quoique louables au départ, sont de plus en plus détournés et contrariés par un paradoxe de polarisation ayant pour conséquence de renforcer le statu quo, c’est-à-dire une concurrence déséquilibrée. Scaleway choisit de consacrer son temps, ses capitaux et son attention à améliorer son offre multicloud, un facteur clé pour une véritable réversibilité et ouverture », a déclaré Yann Léchelle.
En guise de rappel, le ministre des Finances Bruno Lemaire avait annoncé à l’occasion de la conférence Criteo IA Labs ténue à Paris le 3 octobre que la France a engagé les sociétés Dassault Systemes et OVH pour élaborer des plans visant à briser la domination des entreprises américaines en matière de cloud computing. « … nous voulons construire un cloud digne de confiance pour stocker les données les plus sensibles de nos entreprises », avait-il déclaré, ajoutant que le projet serait réalisé au niveau franco-allemand dans un premier temps et éventuellement au niveau européen ultérieurement. Dans ce billet de blog, Yann Léchelle présente les motifs qui leur ont poussé à abandonner le projet de cloud souverain :
Retour sur les 18 derniers mois passés en qualité de membre-fondateur de GAIA-X
Tout d’abord, revenons en juin 2020, mois du lancement de l’initiative par le ministre allemand Peter Altmaier et son homologue français Bruno Le Maire : Scaleway était alors l’un des 22 membres fondateurs. Scaleway soutenait alors complètement les objectifs exprimés et défendus par les gouvernements des deux côtés du Rhin, en l'occurrence « garantir la souveraineté, la disponibilité, l’interopérabilité et la portabilité des données » et, « promouvoir la transparence ».
« Nous savions dès le début que progresser tous ensemble et promouvoir une vision commune serait un défi intéressant, en raison de la nature-même des acteurs industriels impliqués dans le projet : trois fournisseurs de services cloud français (OVH, Outscale et Scaleway) face à des acteurs verticaux prédominants sur le marché allemand (BMW, Volkswagen, Deutsche Bank, etc.), qui utilisent principalement des services et technologies cloud non européens », déclare Scaleway.
Scaleway s’engange à participer à cet élan : d'une part pour renforcer l'écosystème numérique européen en fixant des règles communes et fédératrices (c'est-à-dire en rééquilibrant les conditions et les dynamiques actuelles du marché du cloud), et d'autre part pour améliorer l'adoption des solutions de cloud sur le continent européen, en s'appuyant sur les valeurs.
« Nous n'avons pas de temps à perdre à jouer aux échecs... ni l’envie de prolonger le statu quo. Les premiers mois du projet GAIA-X ont été caractérisés par une importante incompréhension quant à sa portée et ses objectifs : certains l'ont décrit comme un "Airbus du cloud", d'autres ont pensé qu'il opérerait un "cloud souverain", d'autres encore parlaient d'une ''fédération d'offres de cloud'' », indique le PDG de Scaleway, Yann Léchelle.
Scaleway a prevenu qu’elle quitterait le navire GAIA-X, si des entreprises non-européennes étaient autorisées à participer à la gouvernance du Board. Quelques mois plus tard, en avril 2021, lorsque le conseil d'administration a dû valider les candidatures de ceux que l'on appelle les « day-one members » (ayant postulé entre Q3-2020 et Q1-2021), la même question s'est à nouveau posée : fallait-il accepter tous les candidats internationaux ? C’est un fait, les acteurs non-européens, ayant une emprise (très, trop forte parfois) sur les marchés européens, étaient légitimes pour rejoindre GAIA-X. L’entreprise dirigée par Yann Léchelle voulait éviter une situation où les entreprises non-européennes pourraient, plus tard, prétendre être des actionnaires clés, à travers GAIA-X, à la souveraineté numérique européenne. « En voyant comment GAIA-X a fait la publicité de la contribution de Huawei (Europe) à la souveraineté numérique sur Twitter il y a quelques jours, ou en considérant la structure de parrainage du dernier sommet GAIA-X en novembre, je suis triste de constater que la réalité nous a donné raison », déclare Yann Léchelle.
Selon Scaleway , le fait d’avoir accepté sans aucune restriction tous les fournisseurs de services cloud non-européens dominants a eu des conséquences dont le groupe n’a peut-être pas suffisamment anticipé l'ampleur. À partir du moment où ces acteurs dominants et leurs « diplomates de la tech » ont rejoint les comités techniques, ils ont assailli les autres contributeurs d’orientations, de propositions d’exigences et de commentaires face auxquels il était impossible pour les Européens de se positionner, que ce soit individuellement ou collectivement. Un déséquilibre structurel s’est donc formé dans les enceintes de travail de GAIA-X. Dès lors, le risque est que certaines orientations servent les intérêts d’acteurs déjà dominants au lieu de refléter les besoins, attentes et défis des différents fournisseurs de technologies européens.
Une étude récente publiée par Synergy research group a mis en évidence que, ces quatre dernières années (2017-2021), la part du marché européen détenue par des fournisseurs de cloud européens a chuté de 27 % à moins de 16 %. Amazon, Microsoft et Google représenteraient environ 70 % du marché européen et leur part ne fait qu’augmenter.
Lors du renouvellement du conseil d’administration de GAIA-X en juin dernier, ni Outscale, ni Scaleway, ni Aruba n’ont été (ré)élus, le conseil d’administration ne compte plus désormais qu’un fournisseur cloud (OVH), qui a été rejoint par quatre opérateurs de télécommunications. Trois associations professionnelles (CISPE, Digital Europe et Bitkom), ont également rejoint le bureau.
Étant donné que le conseil est désormais composé d’industriels européens utilisant principalement des technologies cloud non européennes, la porte de la gouvernance politique de GAIA-X pourrait être simplement ouvert à leurs membres non-européens. Enfin, les Petites et moyennes entreprises ont été exclues du conseil, reléguant ainsi en marge toute une partie de l’environnement numérique.
En octobre de cette année, le géant Français de la défense, Thales, et Google ont annoncé la création d'une nouvelle entreprise commune pour offrir un service de cloud souverain en France. « En adressant à la fois les aspects techniques et juridiques du label "cloud de confiance" du gouvernement français, cette approche illustre notre compréhension commune des enjeux et bénéfices du cloud pour les entreprises et institutions françaises, et la volonté de collaborer étroitement et concrètement, en France, pour créer des conditions favorables à l’innovation, de façon ouverte et autonome », a déclaré Samuel Bonamigo, Vice President EMEA South, pour Google Cloud.
Thales a également annoncé dans un billet de blog une nouvelle collaboration avec Google Cloud qui accélérera la capacité des entreprises à migrer en toute sécurité des données sensibles entre des infrastructures informatiques à base de clouds publics, hybrides et privés. Ensemble, les deux sociétés offriront de nouvelles fonctionnalités permettant aux équipes de sécurité des entreprises de posséder et de contrôler leurs clés de chiffrement tout en contribuant à répondre aux exigences réglementaires accrues, le tout en supportant des environnements de travail de plus en plus répartis, a indiqué l’entreprise française sur son Site officiel.
Source : Scaleway
Et vous ?
Que pensez-vous de l'abandon du projet cloud souverain par Scaleway ?
Selon vous, peut-on affirmer sans risque de se tromper, que le cloud souverain n'est pas un projet crédible ?
Peut-on parler de cloud souverain dans la perspective d'une collaboration avec des fournisseurs de cloud ameraicain ?
Voir aussi :
France : Thales et Google créent une coentreprise française de cloud souverain, une offre conçue en France et pour la France
La France choisit Google et Microsoft pour la protection des données sensibles, Bruno Le Maire, Amélie de Montchalin et Cédric O ont présenté la stratégie nationale pour le cloud
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Le cloud souverain n'est pas crédible ? Scaleway abandonne GAIA-X,
Un projet de développement d'une infrastructure de données compétitive, sécurisée et fiable pour l'Union européenne
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Le , par Bruno
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